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Le Finnois était là, ses fourrures remplies d’abeilles ; on eût dit d’une ruche. Il les avait envoyées à sa recherche dans toutes les directions, mais elles étaient toutes rentrées et bourdonnaient autour de lui.

Quand il aperçut Hans sur le seuil et qu’il eut vérifié que les abeilles ne s’étaient point trompées, il s’apaisa quelque peu et se mit à rire au point de faire trembler toute sa fourrure et marmotta :

« L’ours, nous le lierons solidement au-dessous de l’évier ; ses yeux, je les ai si bien ensorcelés, qu’il ne verra plus son bateau, et je fixerai une cheville de sommeil devant lui jusqu’au printemps. »

Mais, le même jour, le Finnois se tenait sur le seuil, tout occupé à faire des signes magiques et à dessiner de grandes lignes dans le vide. Puis il fit sortir de la hutte deux hideuses abeilles enchantées qui partirent pour leur mission en laissant des traces brûlantes et noires dans la neige partout où elles passaient. Il fallait qu’elles aillent porter le malheur et la maladie dans une chaumière là-bas sur les marais et répandre au dehors le mal évoqué par le Finnois, qui allait faire mourir de consomption à Bödö une jeune mariée.

Mais, nuit et jour, Hans se demandait comment il pourrait l’emporter sur le sorcier.

La jeune Seimke, avec des paroles tendres et des pleurs et des prières le suppliait, s’il tenait à la vie, de ne rien tenter pour descendre au rivage près de son bateau. À la fin cependant, elle vit que tout était inutile — il avait décidé formellement de s’en aller.

Alors elle lui prit les mains, les baisa et fut toute en larmes. Au moins lui promettrait-il d’attendre que le sorcier fût parti pour Jokmok, en Suède.

Le jour de son départ, le Finnois avec une torche fit l’inspection de sa hutte et dressa son inventaire.

Tout au loin étaient ses pâturages dans les montagnes, avec les rennes et les chiens et auprès d’eux toute sa famille. Le Finnois compta les bêtes, puis recommanda à ses petits-fils de ne pas laisser trop s’éloigner les rennes, de crainte des ours et des loups. Puis il prit une potion soporifique et se mit à danser en rond au point d’en perdre la respiration : avec un gémissement il tomba sur le sol. Ses fourrures, ce fut tout ce qui resta de lui. Son esprit s’en était allé, s’en était allé là-bas jusqu’à Jokmok.

Tous les magiciens y étaient assemblés par le brouillard sombre, à l’abri d’une haute montagne, révélant à voix basse toutes sortes de secrets et de trésors et insufflant la science aux novices en magie noire.