Page:Lermitage-1896-Volume12.djvu/423

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examiner tout le bordage du bateau. Quand elle eut atteint la plus basse planche de la quille, elle agita ses ailes et bourdonna. Puis elle prit son vol, s’éleva et, soudainement, disparut dans l’obscurité.

Il semblait à Hans que tout s’effondrait en lui. Le doute, l’angoisse l’envahissaient. Il savait parfaitement que ce bourdonnement d’abeille maléfique n’apportait rien de bon à un bateau comme celui-là.

Il prit la lampe et un marteau de bois et se mit à éprouver successivement la proue, le bordage, toutes les planches. Et d’un bout à l’autre du bateau tout fut vérifié de près, à la surface extérieure et en dedans. À présent, il n’y avait plus un clou, plus un rivet en qui il eût confiance.

Et le dessin de l’embarcation, ses proportions aussi, ne le satisfaisaient plus du tout non plus. La proue était trop forte, toute la coque du bateau sous le plat-bord avait quelque chose de contourné et d’incliné : on eût dit deux moitiés de bateaux différents agencées ; l’avant ne correspondait pas à l’arrière. Et au moment où il allait examiner cela de plus près (une sueur froide le pénétrait jusqu’à la racine des cheveux), la lampe s’éteignit et le laissa dans la plus complète obscurité.

Alors il ne se contint plus. D’un coup de marteau il fit voler la porte du hangar et, saisissant une grosse cloche de vache, par la nuit noire, de toutes ses forces, il la fit sonner, encore et encore il la fit sonner.

« Est-ce pour moi que tu sonnes, Hans ? »

Derrière lui quelque chose résonnait comme le ressac sur la plage ; un vent froid pénétra dans le hangar.

Et sur le bout de quille de l’embarcation était installé, en veste de marin toute bourbeuse et avec une coiffe tirée sur ses oreilles, de telle sorte que son crâne ressemblait à un gland aplati, quelqu’un.

Hans eut un tressaillement. C’était celui-là même auquel il songeait dans sa rage folle. Il saisit une lourde escope et la flanqua droit vers le Draug.

Mais l’escope traversa le Draug, alla toucher la muraille derrière lui, rebondit et revint siffler aux oreilles de Hans : si elle l’eût touché, vrai, il ne se serait pas relevé du coup.

Le Draug, cependant, ne lui répondit que par un clignement d’yeux féroce.

« Fi ! » — cria Hans — en crachant vers le démon. Et le crachat lui revint en pleine figure.