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Page:Les Œuvres libres, numéro 10, 1922.djvu/19

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manque ; de planter une forêt, de nettoyer les ordures, de fumer un champ, d’instruire les enfants, etc, mais on ne peut pas dire qu’il est raisonnable de vivre sans eau, sans forêt, dans la saleté et que les enfants soient ignorants. De même on peut dire qu’il est raisonnable de perfectionner et soi-même et le monde, mais on ne peut pas dire que nous et le monde sommes raisonnables. »


C’est au milieu des années quatre-vingt-dix du siècle dernier que les idées de Tolstoï suscitèrent le plus d’intérêt. En différents pays des foyers se créèrent pour la propagande de ses idées : le cercle d’Eugène Schmidt à Budapest ; ceux des docteurs Skarvan et Makovitzky, en Slovaquie et en Autriche ; l’Église fraternelle, près de Londres, et d’autres encore en Allemagne, en Amérique, en Hollande et en Russie.

Tolstoï était en relations épistolaires avec les personnalités les plus marquantes de ces groupes. À l’un de ses correspondants, le professeur polonais Zdiékhovsky, qui lui avait exposé quelques objections à propos de son article sur le christianisme et le patriotisme, et défendait le patriotisme des peuples opprimés, et, de ce nombre, celui des Polonais, Tolstoï répondit :

« Sous le mot patriotisme on comprend non seulement l’amour direct et naturel pour son peuple et la préférence qu’on lui accorde sur tous les autres, mais encore, il est admis que tel amour et telle préférence sont bons et utiles. Or, cette doctrine est particulièrement déraisonnable parmi les peuples chrétiens. Elle est déraisonnable et parce qu’elle contredit le sens fondamental de la doctrine du Christ et parce