Page:Les Œuvres libres, numéro 10, 1922.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
22
PAGES INÉDITES

la musique, plus que tout autre art (occasionnellement dans la poésie et le symbolisme en peinture), a perdu sa voie et se trouve dans une impasse. Et celui qui l’a détournée de sa route, c’est le génial Beethoven.

« Le principal c’est que ce sont des hommes privés du sentiment esthétique qui jugent de l’art. Goethe, Shakespeare, tout ce qui porte leur nom doit être bon et l’on se bat les flancs pour trouver du beau dans des choses stupides et mal venues, et l’on déforme tout à fait le goût. Cependant, tous ces grands talents, Goethe, Shakespeare, Beethoven, Michel-Ange, à côté d’œuvres admirables ont produit aussi des œuvres médiocres et même de franchement mauvaises. Les peintres médiocres font des choses médiocres mais jamais des choses tout à fait mauvaises. Les génies reconnus produisent ou des œuvres très grandes ou des choses immondes. »

« J’ai pensé à quelque chose de très important, sur l’art. Qu’est-ce que la beauté ? La beauté, c’est ce que nous aimons. On est aimé non parce qu’on est beau, mais, parce qu’on est aimé on est beau. Alors la question : Pourquoi aimons-nous ? Dire que nous aimons parce que c’est beau, c’est comme de dire que nous respirons parce que l’air est agréable. Nous trouvons l’air agréable, parce que nous avons besoin de respirer. De même nous trouvons de la beauté parce qu’il nous faut aimer. Et celui qui ne sait pas voir la beauté morale voit au moins la beauté physique et il l’aime. »


En 1893, Tolstoï écrivait à une certaine dame Brummer par l’intermédiaire de laquelle le grand