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Page:Les Œuvres libres, numéro 10, 1922.djvu/24

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cuisinière. Cette idée fausse je l’ai retrouvée aussi dans votre lettre, ainsi que dans beaucoup de lettres que j’ai reçues. Cette idée, ou plutôt le mauvais sentiment qu’elle justifie, est à la base de tous les crimes qui se commettent actuellement. Elle consiste en ceci : des hommes munis de diplômes, bien que bornés, des hommes sans culture mais doués d’une belle assurance, décident, on ne sait trop pourquoi, qu’ils sont si intelligents, si bons, qu’ils n’ont plus besoin de travailler à leur perfectionnement et que leur vocation, leur devoir sacré est d’éclairer, d’organiser la vie des autres. Les uns veulent faire cela avec l’ancien gouvernement, les autres avec un nouveau ; d’autres encore, comme votre héros, en inculquant à ce peuple ignorant et stupide — ce même peuple qui, de son travail, nourrit tous ces propres a rien — les grandes vérités du christianisme dont ils s’imaginent être pénétrés.

« Chaque jour je reçois des lettres de jeunes lycéennes qui me demandent naïvement à qui elles doivent faire le bien en communiquant leur savoir et leur bonté ? Leur faut-il devenir tout de suite maîtresses d’école ou doivent-elles étudier encore dans les universités (pour s’étourdir définitivement) et sauver ensuite le malheureux peuple ? Tous les étudiants, les séminaristes, et tous les gens ignorants et immoraux s’imaginent la même chose. C’est la cause principale de toutes les horreurs qui s’accomplissent maintenant. La condition nécessaire pour accomplir le bien, c’est l’humilité. Aussitôt qu’elle manque, le bien se transforme en mal. La vertu supérieure, c’est l’amour. Mais l’amour sans l’humilité, l’amour orgueilleux, c’est la négation de l’amour. La liberté, la fraternité sont de grands biens quand elles sont la conséquence de l’amour, mais de grands maux quand elles résultent de la