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Page:Les Œuvres libres, numéro 10, 1922.djvu/26

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lettres que je reçois, les conversations que j’entends, les articles de journaux et de revues que je parcours, tout cela, c’est la même épidémie de folie. Autrefois, seuls les hommes du gouvernement souffraient de cette folie, s’imaginant être appelés à faire le bonheur du peuple et ainsi s’estimant nécessaires. La folie de ces hommes datait de loin, et ils étaient payés pour leur besogne. De nos jours, cette épidémie a gagné tout le monde. Les lycéens — garçons et filles — de troisième année, ne songent pas un instant à ce qu’il y a en eux de mauvais, au moyen de devenir de braves gens. Ils n’ont souci que d’une chose savoir quel sera pour eux le meilleur moyen d’éduquer le peuple. Quant aux adultes, ils prennent la première place venue, et, pour ce qui est de savoir s’ils sont aptes ou non au rôle qu’ils convoitent, ils n’y pensent même pas. En cela est la cause de tous les maux dont nous souffrons. Le salut ne viendra que quand les hommes s’éveilleront de cette hypnose contagieuse et comprendront que l’amélioration du sort des peuples n’est possible que par l’amélioration des individus, et que la seule personne sur qui l’on puisse agir avec succès, c’est soi-même. »

« L. Tolstoï. »

Le comte Witte (alors président du Conseil), avait exprimé au beau-frère de Tolstoï, M. Kouzininsky, son désir de faire la connaissance du célèbre écrivain et d’avoir son opinion sur le monopole de l’alcool, qu’il était alors en train d’établir en Russie. M. Kouzminsky écrivit dans ce sens à Tolstoï, qui lui répondit par la lettre suivante, jusqu’ici inédite :