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JALOUSIE

cience son « boulot » lequel était fort dur consistant dès cinq heures du matin en nombreux nettoyages, il ne pouvait se résoudre à l’effort de fermer une porte, et si on lui faisait remarquer qu’elle était ouverte, il revenait en arrière et aboutissant à son maximum d’effort, la poussait légèrement. Avec l’orgueil démocratique qui le caractérisait et auquel n’atteignent pas dans les carrières libérales les membres de professions un peu nombreuses, avocats, médecins, hommes de lettres qui appellent seulement un autre avocat, homme de lettres ou médecin : « mon confrère », lui, usant avec raison d’un terme réservé aux corps restreints, comme les académiciens par exemple, il me disait en parlant d’un chasseur qui était lift un jour sur deux : « Je vais voir à me faire remplacer par mon collègue. » Cet orgueil ne l’empêchait pas dans le but d’améliorer ce qu’il appelait son traitement d’accepter pour ses courses des rémunérations, qui l’avaient fait prendre en horreur à Françoise. « Oui, la première fois qu’on le voit on lui donnerait le bon Dieu sans confession, mais il y a des jours où il est poli comme une porte de prison ? Tout ça, c’est des tire-sous. » Catégorie où elle avait si souvent fait figurer Eulalie et où, hélas, pour tous les malheurs que cela devait un jour amener, elle rangeait déjà Albertine, parce qu’elle me voyait souvent demander à maman des objets pour mon amie peu fortunée, de menus objets, des colifichets que Françoise avait d’ailleurs déjà convoités pour elle-même, acte que Françoise trouvait inexcusable parce que Mme Bontemps n’avait qu’une bonne à tout faire. Bien vite le lift ayant retiré ce que j’eusse appelé sa livrée et ce qu’il nommait sa tunique, apparaissait en chapeau de paille, avec une canne, soignant sa démarche et le corps redressé, car sa mère lui avait recommandé de ne jamais prendre le genre « ouvrier »