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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/106

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— Quoi, ma chère Esther, dit Cornelio, est-il possible qu’il ait exprimé tant de choses avec de simples accords ?

— Tout cela, et bien davantage. Qu’eussiez-vous dit, si vous eussiez entendu la solennelle malédiction en ut dont il m’a accablée avec un tel ascendant que je suis restée sans mouvement, sans regard, que mon sang ne circulait plus et que j’aurais étouffé, si ce cauchemar terrible se fût prolongé plus longtemps ? »

Telles étaient les sensations bizarres, les idées incohérentes qui se succédaient dans son âme, sous l’empire d’une oppression morale dont nous laissons au lecteur le soin d’expliquer la cause. Les émotions violentes, auxquelles était sans cesse en proie son organisation nerveuse, usaient rapidement les ressorts de la vie, qui, dans ce frêle tempérament, n’avaient que peu de résistance à leur opposer.

On savait dans la ville que la Zoccolina était malade chez son père, mais personne ne croyait qu’elle le fût de manière à donner des inquiétudes. Un soir quelques jeunes gens, qui l’avaient connue, se réunirent pour lui donner une sérénade. Ils avaient des violons, des hautbois, des cors et des basses, instruments qui, par leur gravité suave, répondent merveilleusement aux instincts mélancoliques de l’homme. Pendant que tout se taisait dans la campagne, à l’heure où les étoiles commençaient à jeter leur éclat scintillant à travers l’azur des cieux, ils vinrent se placer au pied de la Specola. Bientôt, au milieu du silence solennel du soir, on entendit s’élever une pure harmonie, si vague, si peu terrestre, qu’on l’eût crue apportée par la brise parfumée des nuits. Un adagio, lent et voluptueux, se déroulait, léger comme une guirlande de gaze, sur les basses attentives qui, d’un air de mystère, lui prêtaient leur appui. Sur ce fonds indécis, se détachèrent bientôt les voix argentines des hautbois, soupirant une plainte pastorale d’un dessin antique, qui rappelait les idylles de Moschus.

La Zoccolina était dans une douce extase. En écoutant ce