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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/20

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sincère comme il était le plus beau, à l’âme la plus pure et la plus incapable d’artifice, à la jeune fille naïve pour qui la reconnaissance devait être un lien sacré…

Rara avis in terris, reprit Cornelio, en essuyant ses lunettes.

— L’illusion que j’avais nourrie s’est brisée. Mon âme a été quelque temps comme la voile d’où le vent s’est retiré et qui pend le long des mâts, flasque et détendue. Mais bientôt un feu nouveau s’est ranimé en moi, flamme inconnue qui s’agite dans le vide de mon cœur, qui brûle mes veines, mais qui, du moins m’a rendu l’énergie du désespoir.

— Hélas ! monsieur, dit Cornelio, la médecine a bien peu de secours pour les maladies comme la vôtre. Vouloir guérir ces sortes de maux à l’aide de nos pharmacopées, c’est faire comme celui qui, pour empêcher un ruisseau de couler, le couperait avec une hache. C’est à la source même qu’il faudrait remonter ; c’est l’âme qui, chez vous, tue le corps. Cependant vous tireriez, sans doute, quelque soulagement des distractions, des lectures graves, des bains, d’un exercice modéré… »

L’inconnu hocha la tête, en souriant amèrement.

« Ne crois pas, dit-il, que je vienne te demander une médecine de juleps et d’eau sucrée. Ma santé corporelle est bonne, ou, du moins, je ne m’en inquiète pas. Quant à ma santé morale, ce n’est ni toi ni un autre que j’en ferai le médecin. Mais, ajouta-t-il, en faisant trois pas vers lui et en lui saisissant fortement le bras, voici ce que je te demande : il faut que tu soumettes à l’empire de ma volonté l’être perfide qui m’a trompé ; il faut que tu m’en rendes le maître, afin que je lui cause tourments pour tourments, et que je goûte enfin le plaisir de la vengeance.

— Eh ! s’écria le vieillard d’un air d’étonnement, comment votre seigneurie veut-elle que j’agisse sur l’esprit d’une femme