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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/25

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Répétez-moi seulement ce que vous demandez que je fasse pour vous servir.

— Je veux, dit l’étranger en s’arrêtant, que vous me rendiez le despote de sa volonté, comme je suis le maître de cette main que j’ouvre et que je ferme à mon caprice.

— C’est un philtre que vous voulez, dit Cornelio.

— Ne vous méprenez pas sur mes paroles, répondit le jeune homme avec un amer sourire. Je ne recherche pas son amour ; je le rejetterais bien loin de moi, quand elle me le rapporterait, ce lambeau de pourpre qu’elle a cousu au manteau d’autrui. Mais je veux dominer son âme pour la froisser comme je froisse ce vêtement, pour y jeter le désespoir qu’elle a mis dans mon cœur, pour y briser le germe de toutes ses espérances. Je veux aussi lui arracher ces prestiges qui m’ont séduit et qui lui attirent les hommages de la foule. Affreuse jalousie qui me dévore, tu seras satisfaite ! Qu’à la beauté succède la laideur, qu’elle devienne comme la fleur séparée de sa tige, comme la harpe brisée qu’on oublie dans la poussière !

— Hé ! reprit Cornelio, vous ne me demandez pas ce qu’il y a de plus simple dans mon art. S’il ne vous avait fallu qu’un philtre pour inspirer de l’amour, une bague contre le mal de tête, ou une pierre constellée contre l’hémorragie, la moindre formule aurait suffi. Mais vous voulez agir par la volonté sur la volonté, c’est plus grave. Il faudrait pour vous satisfaire un morceau de cire où vous donneriez des coups de pouce qui répondissent dans l’âme d’autrui.

— C’est cela, répondit l’étranger.

— Oui ; mais c’est impossible. La cire est une substance trop molle et trop inerte pour symboliser l’âme féminine, dont la fleur la plus délicate, dont le papillon le plus aérien, dont le nuage même, si nous pouvions le saisir, serait encore une lourde personnification.

— J’ai entendu dire qu’un diamant d’une eau limpide pouvait servir à ces opérations.