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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/30

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C’est en étudiant ces affinités secrètes que nous a révélées l’expérience, c’est en ajoutant peu à peu au patrimoine de nos devanciers, que nous sommes parvenus à dompter presque toutes les prétendues forces de la nature, ou, pour parler un langage plus vrai, que nous avons su faire des génies innombrables qui se croisent dans l’air à toute heure, les serviteurs aveugles de nos volontés.

— Arrête, vieillard, répondit l’étranger en passant sa main sur ses yeux. Je ne sais quel génie tu conjures à présent, mais je sens mes idées tourbillonner dans mon cerveau comme les feuilles mortes que chasse le vent d’automne. Il me semble que ma raison s’égare dans un palais resplendissant à mille portes, tout plein de lustres éclatants et de célestes harmonies. »

En ce moment, un gémissement singulier, parti d’un coin de la chambre, fit se retourner l’étranger qui aperçut l’horloge de Cornelio, dressée comme un cercueil contre le mur. C’était la sonnerie qui se mettait eu mouvement pour sonner onze heures.

« Voici l’heure des incantations qui approche, dit Cornelio ; mais ce n’est pas ici le lieu de les accomplir. Nous nous retrouverons dans une heure devant le portail de l’Annunziata in Arena.

— Je connais mal les rues de Padoue, répondit l’étranger, et j’ignore le nom de ses édifices.

— Nous ne pouvons cependant nous y rendre ensemble, reprit Cornelio ; cela ne serait pas prudent, et d’ailleurs j’ai besoin d’être seul pour quelques préparatifs nécessaires.

— Mais, ajouta-t il, suivez-moi. »

Il conduisit alors son compagnon sur la plate-forme de la tour d’où un spectacle inattendu s’offrit à leurs regards. La lune se levait à l’orient du côté de Venise, où l’on voyait briller à l’horizon, comme une frange d’argent, l’eau lointaine de la mer. La vaste plaine de la Lombardie dormait à leurs pieds,