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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/38

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puits avec moins de force. Cornelio retira le globe de cristal, qu’il présenta à son compagnon, après l’avoir fermé avec soin.

« Le charme est opéré, lui dit-il ; vous tenez dans vos mains la destinée de votre ennemie. »

Le jeune homme s’approcha de la lanterne sourde pour examiner le présent qu’il venait de recevoir. Il vit dans le globe un petit insecte, de ceux que les savants appellent libellules et que tout le monde connaît sous le nom de demoiselles. C’était une des plus petites qu’on puisse voir. La pauvre prisonnière battait les parois transparentes du cristal de ses quatre ailes de gaze, pour trouver une issue qu’elle devait chercher vainement.

« Ben Jonathan de Salamanque lui-même, dit enfin l’étranger après un silence, n’aurait pas trouvé un meilleur emblème de l’instabilité féminine que cet insecte capricieux dont le vol rapide ne s’arrête jamais.

— Le fantôme léger que vous avez vu passer à la surface de l’eau, lui répondit le vieillard, je l’ai uni à cette mouche fragile qui s’en est emparée, comme l’éponge s’imprègne de l’humidité. Maintenant votre ennemie fuirait au bout du monde qu’elle n’échapperait pas à votre empire inévitable. Privez d’air cet insecte dans sa prison, et elle tombera dans le supplice de l’atonie morale ; refusez-lui la lumière du jour, et elle sentira le deuil s’appesantir sur son âme. Si vous brisez ce globe fragile, la santé renaîtra sur ses joues et la sérénité rentrera dans son esprit. Enfin, ajouta Cornelio d’un ton solennel, vous avez même sur elle le droit de vie et de mort ; mais souvenez-vous que vous répondrez devant Dieu de l’usage que vous ferez de ce charme tout puissant.

— Merci, répondit l’étranger. Les paroles que je vous dirais n’exprimeraient pas ma reconnaissance, mais vous m’avez mis