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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/43

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tu prendre au sérieux ce que j’ai dit ? Allons, elle pleure. Je suis une vieille bête.

— Non, mon père, non, répondit-elle, ce n’est pas ce que vous me dites qui me fait pleurer.

— Qu’est-ce donc alors ?

— Je suis bien malheureuse.

— Et de quoi ?

— J’ai peur, dit-elle en jetant les yeux autour de la chambre ; j’ai toujours peur. Une puissance invisible me poursuit.

— Ah ! ma pauvre enfant, te voilà retombée dans tes idées noires. Tu t’es toujours créé des fantômes pour te tourmenter.

— Non, mon père, ce ne sont pas des vapeurs, des idées noires, comme vous le dites. Il y a longtemps qu’un mauvais génie marchait sur mes traces, mais maintenant il s’est emparé de moi. Ma santé s’altère. Si vous ne venez pas à mon secours, je ne lutterai pas longtemps, ajouta-t-elle en se jetant de nouveau dans ses bras avec tous les symptômes de l’effroi.

— Tes nerfs ont malades, ma pauvre Esther, dit le vieillard en la serrant sur son cœur.

— Hélas ! ce ne sont pas mes nerfs seulement. J’ai autour du cœur comme une enveloppe de plomb qui m’étouffe, et qui va toujours se resserrant.

— Pures imaginations !

— Tout cela n’est que trop réel, mon bon père. Écoutez comme le malheur me poursuit. Vous savez qu’une seule passion me consolait dans mes chagrins, qu’un seul amour remplaçait pour moi les autres, celui de la musique ; car la musique, c’était mon culte, c’était mon âme. Eh bien ! poursuivit-elle en détournant la tête et en versant un torrent de larmes, j’ai perdu la voix ; je ne puis plus chanter.

— Tu te seras sans doute refroidie dans les folies de carnaval ? demanda Cornelio.

— Plût au ciel que ce ne fût qu’un rhume ! dit la jeune actrice.