Aller au contenu

Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avait ainsi rassemblé toute la population de Padoue, par un bel après-dîner de mars, sur le Prato della Valle, vaste emplacement situé au midi de la ville, devant la célèbre église de Sainte-Justine. Les paysans, accourus des alentours, circulaient pêle-mêle avec les citadins plus élégants sous la promenade plantée de platanes, où les Padouans modernes ont élevé à leurs grands hommes un si grand nombre de statues qu’on ne sait comment une seule ville a pu jouir d’une pareille fécondité.

Mais la foule endimanchée qui fluctuait sans cesse ne songeait guère en ce moment à s’enorgueillir de Tite-Live, du jurisconsulte Paul, de Sperone Speroni, de Morgagni, du Padovanino, et de tant d’autres célébrités qui ont plus ou moins besoin du commentaire. Elle les eût toutes données pour Arlequin et son compère, le docteur Geronimo.

Des mascarades bizarres traversaient continuellement la place, à la grande satisfaction des spectateurs. Mais la plus grande part de l’attention publique était attirée par une voiture de masques d’où pleuvaient les saillies, les œufs et les bonbons. Cette voiture paraissait composée de l’aristocratie des étudiants ; elle s’arrêta à l’entrée de la promenade, dans l’endroit où la foule était la plus épaisse, et quatre ou cinq orateurs se mirent, chacun d’un côté, à débiter en même temps des folies, accueillies par mille applaudissements.

« Voici de la fleur de sésame d’Arabie, disait un Turc en tenant un petit paquet entre l’index et le pouce ; c’est une substance qui fait disparaître les taches à l’instant. Prenez, Mesdames ; c’est fort utile dans les ménages. » Et comme plusieurs mains s’avançaient : « J’oubliais de vous dire, continuait-il, que les taches dont il s’agit sont celles que vous faites à votre honneur en causant tout bas avec vos amoureux.

— Ah ! le monstre ! criaient les femmes en retirant leurs mains.

— Mea culpa ! mea culpa ! mea culpa ! reprenait en nasillant