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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/89

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— Je voudrais, reprit Octavio avec violence, avoir six coudées et un empan comme Goliath pour me poser à l’encontre du monde et lui crier combien je le méprise, dussent tous les pygmées de la vanité humaine me lancer leur caillou au milieu du front !

En disant ces mots, il mit au galop son cheval anglais, comme un homme qui a besoin de mouvement pour respirer.

— Voilà qui est bien, poursuivis-je. Mépris du monde, estime du monde, vanité ou tout ce qu’il vous plaira, pouvais-je ne pas répondre à un salut qu’on me faisait ? Fallait-il lui faire la grimace, pour qu’une cabale vint me siffler au premier jour ? Vous savez que je n’aime pas Saphir ; il est léger, moqueur, incrédule. Il écrit en allemand dont je n’entends pas un mot ; et au surplus il porte des lunettes. Cela valait-il la peine de nous faire sauter trois fossés et de me faire froisser ma modestie !

— C’est vrai, me dit Octavio en riant d’un rire amer de mépris ; entrons chez ce restaurateur où nous dînerons avec une tourte de Linz et des poulets frits qu’il accommode à ravir.

— Pardon mon père, dit la Zoccolina en s’interrompant. Souffrez que j’ouvre cette fenêtre, car il me semble toujours que je manque d’air et que je vais étouffer.

— Hypocrite jaloux et vindicatif ! murmura Cornelio, tandis qu’il considérait d’un air de pitié douloureuse la figure pâle et souffrante de sa fille. Que n’ai-je su tout cela plutôt ?

— Je cherchais à m’assurer par divers moyens s’il m’aimait véritablement, reprit la Zoccolina. Un jour que je disais du mal de Florence, il se mit à son tour à se moquer de Venise, qu’il croyait être ma patrie.

— Eh bien ! lui dis-je, je vais vous parler sérieusement. Je n’aime pas Florence, et comme j’aurais peur d’y habiter, j’exige que vous vendiez tout ce que vous y possédez pour acheter un de ces palais de Venise dont vous riez tant.

— Vous plaisantez sans doute, Esther, me dit-il ; votre intention n’est pas de me faire vendre les biens de mes pères.