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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/92

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homme obligé de courber la tête sous le joug d’un ennemi trop puissant. Il ouvrit la porte avec précaution pour voir si sa fille dormait ; mais elle était éveillée.

« Je n’ai pas pu dormir, mon père, lui dit-elle ; cependant le repos m’a fait du bien, et si vous voulez vous asseoir près de mon lit, je vous raconterai la suite de mon histoire.

— Oui, continua la jeune femme, il m’épousa, et puisse le jour où ce lien fut formé être retranché à jamais de ma vie ! De ce moment, je sentis que je n’étais plus à moi ; qu’une volonté plus forte dominait la mienne ; que j’avais affaire à une nature énergique et indomptable qui finirait par me briser ; qu’enfin je n’étais pas de force à marcher d’un pas égal avec Octavio sur la route des passions humaines.

Son amour même empruntait pour se manifester des formes qui m’effrayaient.

Un soir, après avoir chanté dans le don Juan de Mozart, avec plus de succès encore que de coutume, je montai dans sa voiture pour regagner avec lui la maison que j’habitais dans Léopoldstadt.

— Tu as été sublime, me dit-il en me serrant dans ses bras avec une telle violence, que j’en perdis la respiration pendant plusieurs minutes ; puis, comme frappé d’une pensée soudaine, il me repoussa brusquement.

— Les applaudissements de ces rustres, ajouta-t-il d’une voix singulière, ont dû te satisfaire. Et il garda le silence en me considérant avec des yeux qui jetaient un feu sombre dans l’obscurité.

Une autre fois, il trouva chez moi, avec plusieurs autres personnes, ce même Saphir, l’auteur à la mode, qui était en train de faire une dissertation, en style de feuilleton, sur les yeux bleus et sur les yeux noirs. Octavio s’assit pour écouter comme les autres.