Aller au contenu

Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

caractère d’Octavio, une jalousie sombre, qui s’était déjà trahie dans plusieurs circonstances, et dont je ne doutai plus, quand il me défendit, le lendemain de la scène que je viens de vous raconter, de continuer à recevoir Saphir. Je savais d’un autre côté qu’indisposer contre moi ce critique célèbre qui tenait dans ses mains les ressorts de toutes les intrigues, c’était m’exposer à être sifflée au théâtre, calomniée dans les journaux, à me voir fermer peut-être une carrière que j’aimais avec passion ; je soupçonnais même vaguement que le but d’Octavio était de me forcer à quitter le théâtre. Cette crainte, plus que tout le reste, me décida à écrire à Saphir.

Hélas ! il n’arrive que trop souvent que nos précautions tournent contre nous ! Présomptueux comme un journaliste, et nourri dans la société viennoise dont les mœurs ne sont pas propres à inspirer le respect pour les femmes, Saphir se crut autorisé à m’écrire sur le ton de la galanterie. Je prends le ciel à témoin que, malgré l’intérêt que j’avais à le ménager, je ne lui donnai aucun encouragement. L’avenir cependant s’obscurcissait de plus en plus.

Mon mari portait habituellement une bague singulière qui avait attiré depuis longtemps mon attention. C’était un anneau, d’une forme antique, assez massive, au milieu duquel était enchâssé un diamant qui jetait un éclat tel que je n’en ai jamais vu d’aussi brillant. Souvent, à l’époque de notre mariage, au milieu des longues rêveries d’amour qui avaient alors pour nous tant de charme, les éclairs que jetait cette pierre m’avaient comme réveillée en sursaut, avec un sentiment de peine très désagréable. Un jour, je priai même Octavio de ne plus porter cette bague dont la vue me faisait tressaillir. Il sourit de ma demande comme d’un enfantillage.

— Cette bague, répondit-il, est depuis longtemps dans ma famille. L’eau de ce diamant ne manque jamais de se troubler toutes les fois qu’une trahison ou quelque malheur menace celui qui le possède.