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Page:Les Deux Bourgognes, tome 7, 1838.djvu/98

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lui demandai quelques jours pour y réfléchir, avant de prendre un parti.

Mon parti, je vous l’avouerai, était tout pris d’avance. Je n’avais nulle envie de mourir. Mais je sentais aussi, après les scènes qui avaient eu lieu entre nous, que je ne pouvais plus rester auprès d’Octavio. Ses manières étranges, ses bagues constellées, ses poisons, me faisaient croire à une influence surnaturelle dont je me persuadais être environnée. Je pensai que ma vie n’était pas en sûreté tant que je vivrais sous le même toit que lui. Enfin, que vous dirai-je ? Je pris la résolution de quitter Vienne sans le prévenir, et je ne renaquis à la tranquillité et à la santé, qu’en revoyant mon pays, en me retrouvant sous le beau ciel de l’Italie, où une chaise de poste me ramena en trois jours.

— Il y a du pour et du contre dans l’histoire que tu viens de me raconter, reprit lentement le vieillard. Le caractère de ton mari, avec ses bizarreries, ses brusqueries passionnées, te rendait sans doute difficile de vivre longtemps en bonne harmonie avec lui. Mais, toi aussi, ma pauvre Esther, tu n’as pas agi avec la prudence que ta position demandait. Ce qui est fait est fait ; n’y pensons plus. Dis-moi seulement, as-tu appris à ton mari quelle était ta famille, quel était le lieu de ta naissance ?

— Non, mon père ; je lui ai toujours laissé croire que j’étais d’une ancienne famille vénitienne, aujourd’hui malheureuse.

— Ah ! dit Cornelio en paraissant réfléchir un instant. Cependant j’ai des raisons de croire qu’il t’a suivie à Padoue.

— Je ne le sais que trop, répondit la jeune femme. Je l’ai reconnu hier sur le Prato della Valle, quoiqu’il fût couvert d’un domino noir. C’est de ce moment que mes terreurs, dont j’étais délivrée depuis mon séjour en Italie, m’ont reprise avec une nouvelle violence.