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Page:Les Tableaux vivants, 1997.djvu/86

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Si je voulais baiser du haut en bas le joli corps de Lucette, elle ne s’y refusait point ; seulement elle soufflait la bougie. Dans l’obscurité, elle devenait plus libertine et me rendait tout. Mais la pudeur lui revenait avec le jour. Il y eut un matin une brouille sérieuse entre nous, parce que j’avais voulu la mettre toute nue devant son miroir.

Nous nous aimions depuis un an, quand la famille de Lucette, qui habitait la province, la rappela tout à coup. Peu de temps après, je sus qu’on l’avait mariée à un capitaine de dragons.

Deux ans plus tard, je traversais le jardin des Tuileries, quand une femme passa :

— Quoi ! Lucette, est-ce vous ?

— Richard !

— C’est bien vous ! Comment êtes-vous ici ? Ah ! Lucette !

— Mon mari est en garnison à Paris et je n’ai pas manqué de le suivre.

— Votre mari !… Taisez-vous, infidèle, ingrate ! lui dis-je en souriant. Comme vous m’avez bien planté pour ce capitaine !

— Dame ! Il m’épousait, lui !

— Il vous épousait ! Voilà le grand mot !… Eh bien vous avez fait ce que j’aurais fait moi-même si j’avais été Lucette… Mais peut-on vous aller voir ?

— Ne vous avisez pas de venir chez moi ! Mon mari est un jaloux !

— Il me percerait avec la pointe de son grand sabre !… Ah ! Lucette !… Si j’osais vous prier de venir chez moi !…

— Mon Dieu ! fit-elle, il n’y aurait peut-être pas besoin de me prier bien fort !… Je veux causer avec vous, Richard.