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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/132

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Pippo di Ser Brunellesco ne dédaigna pas de s’en servir comme modèle, dans la construction de l’église Santo Spirito, et de celle de San Lorenzo, dans la même cité. On peut en voir autant dans l’église Saint-Marc de Venise [1]. Celle-ci (pour ne rien dire de San Giorgio Maggiore, qui fut élevé par Giovanni Morosini l’an 978) fut commencée par le doge Justiniano e Giovanni Particiaco, près de San Teodosio, quand le corps de saint Marc évangéliste fut envoyé d’Alexandrie à Venise. Après plusieurs incendies, qui endommagèrent le palais du doge et l’église, celle-ci fut finalement réédifiée à la manière grecque, sur les mêmes fondations, et dans le mode où on la voit actuellement, avec une très grande dépense, et sur l’avis de plusieurs architectes, du temps du doge Domenico Selvo, l’an 973 de Notre-Seigneur. Celui-ci fit amener des colonnes de tous les lieux où il put en trouver. La construction se prolongea ainsi jusqu’à l’année 1140, Messer Pietro Polani étant doge, et, comme nous l’avons déjà dit, sur les dessins de plusieurs maîtres, tous grecs. C’est dans la même manière grecque, et dans les mêmes temps, que furent élevées les sept abbayes que le comte Ugo, marquis de Brandebourg, fit construire en Toscane. On peut s’en rendre compte dans la Badia de Florence, dans celle de Settimo, et dans les autres. Toutes ces constructions, et les vestiges de celles qui ne sont plus sur pied, témoignent que l’architecture se maintenait quelque peu, mais fortement abâtardie, et bien différente de la belle manière antique. D’autres exemples sont encore plusieurs vieux palais élevés à Florence, après la ruine de Fiesole, œuvres toscanes, mais avec une ordonnance barbare dans les proportions des portes et des fenêtres démesurément longues, dans la forme ogivale des arcs, voûtés en quartpoint selon la coutume des architectes étrangers de cette époque. Ensuite, l’an 1013, on voit l’art reprendre un peu de vigueur, dans la reconstruction de l’admirable église de San Miniato in sul Monte , du temps de Messer Alibrando, citoyen et évêque de Florence. Outre l’ornementation en marbre qu’on y voit à l’intérieur et à l’extérieur, on remarque, en examinant la façade antérieure, que les architectes toscans s’efforcèrent d’imiter dans les portes, les fenêtres, les colonnes, les arcs et les corniches, autant que cela fut en leur pouvoir, le bel ordre antique qu’ils pouvaient retrouver en partie dans le temple très ancien de San Giovanni qui se trouvait dans leur cité. Dans le même temps on voit la peinture, qui était presque entièrement éteinte, commencer à

  1. Saint-Marc fut commencé en 977 ; Pietro Orseolo, étant doge, en posa la première pierre. L’église ne fut pas terminée avant 1071.