Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/359

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une chambre garnie. Mais, avant que de nous séparer, je lui enseignai ma demeure, et l’invitai à me venir voir aussitôt que sa santé serait rétablie. Il fit paraître une extrême surprise, lorsque je lui dis que j’étais logé chez le comte d’Olivares. Ô trop heureux Gil Blas, me dit-il, dont le sort est de plaire aux ministres ! je me réjouis de ton bonheur, puisque tu en fais un si bon usage.


CHAPITRE VIII

Gil Blas se rend de jour en jour plus cher à son maître. Du retour de Scipion à Madrid, et de la relation qu’il fit de son voyage à Santillane.


Le comte d’Olivarès, que j’appellerai désormais le comte-duc, parce qu’il plut au roi, dans ce temps-là, de l’honorer de ce titre, avait un faible que je ne découvris pas infructueusement ; c’était de vouloir être aimé. Dès qu’il s’apercevait que quelqu’un s’attachait à lui par inclination, il le prenait en amitié. Je n’eus garde de négliger cette observation. Je ne me contentais pas de bien faire ce qu’il me commandait, j’exécutais ses ordres avec des démonstrations de zèle qui le ravissaient. J’étudiais son goût en toutes choses pour m’y conformer, et prévenais ses désirs autant qu’il m’était possible.

Par cette conduite, qui mène presque toujours au but, je devins insensiblement le favori de mon maître, qui, de son côté, comme j’avais le même faible que lui, me gagna l’âme par les marques d’affection qu’il me donna. Je m’insinuai si avant dans ses bonnes grâces, que je parvins à partager sa confiance avec le seigneur Carnero[1], son premier secrétaire.

  1. Carnero, mouton.