Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/419

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au Prince il pourrait rajuster les choses, et regagner le terrain qu’il avait perdu ; mais il ne put en avoir audience, et, de plus, on lui envoya demander la clef dont il se servait pour entrer, quand il lui plaisait, dans l’appartement de Sa Majesté.

Jugeant alors qu’il n’y avait plus d’espérance pour lui, il se détermina tout de bon à la retraite. Il visita ses papiers, dont il brûla prudemment une grande quantité ; ensuite il nomma les officiers de sa maison et les valets dont il voulait être suivi, donna des ordres pour son départ, et en fixa le jour au lendemain. Comme il craignait d’être insulté par la populace, en sortant du palais, il s’échappa de grand matin par la porte des cuisines, monta dans un méchant carrosse avec son confesseur et moi, et prit impunément la route de Loeches, village dont il était seigneur, et où la comtesse son épouse a fait bâtir un magnifique couvent de religieuses de l’ordre de Saint-Dominique. Nous nous y rendîmes en moins de quatre heures, et toutes les personnes de sa suite y arrivèrent peu de temps après nous.


CHAPITRE X

De l’inquiétude et des soins qui troublèrent d’abord le repos du comte-duc, et de l’heureuse tranquillité qui leur succéda. Des occupations de ce ministre dans sa retraite.


Mme  d’Olivarès laissa partir son mari pour Loeches, et demeura quelques jours après lui à la cour, dans le dessein d’essayer si, par ses prières et par ses larmes, elle ne pourrait pas le faire rappeler ; mais elle eut beau se prosterner devant Leurs Majestés, le roi n’eut aucun égard à ses remontrances quoique préparées avec art et la reine, qui la haïssait mortellement, vit avec plai-