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sa route à tâtons, le long du travail, atteignit la tête du cheval où il s’arrêta. De là, il plongea le regard dans l’obscure cavée du pont. Il saisit alors la bride et essaya de conduire l’animal ; mais celui-ci, d’une secousse, se débarrassa de l’étreinte du conducteur et se cabra, secouant le traîneau et mettant en danger le siège de Zulma. Elle était sur le point de sauter à bas de la voiture, quand son domestique revint précipitamment en s’écriant :

« Les Bastonnais ! »

Au même moment, on aperçut sous l’arche du pont le reflet de baïonnettes. Deux soldats s’avancèrent dans l’espace éclairé et on entendit le commandement sec et sévère : halte !

Le domestique se tenait tout trem­blant derrière le traîneau. Zulma, tranquillement, fit signe aux soldats d’avancer. Ils s’approchèrent. Elle leur dit un mot en français, mais ils branlèrent la tête. Alors, ils parlèrent en anglais, mais, à son tour, elle branla la tête. Ils sourirent et elle sourit. À ce moment, le cheval, comme s’il appréciait la situation, ayant tourné la tête pour regarder les soldats, redevint tranquille et resta en place. Le domestique n’avait pas autant de bon sens, car il était encore là tout tremblant derrière la voiture.

Les soldats se consultèrent un moment ; puis le plus âgé fit signe à Zulma qu’elle devait retourner à la ville. Elle répondit dans le même langage qu’il lui fallait continuer sa route. Ils insistèrent un peu plus sérieusement. Elle insista, de son côté,