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les bastonnais

— J’ai entendu parler des difficultés de cette expédition, dit-il, et je connais assez la nature de nos bois et de nos prairies pour savoir que vous avez dû beaucoup souffrir.

— Nous avons beaucoup de forêts dans le Maryland, répondit Cary, mais elles ne ressemblent en rien à celles de vos climats du nord. Je suis jeune et robuste, mais en maintes circonstances, j’ai pres­que désespéré d’arriver à Québec sain et sauf.

— Où votre armée s’est-elle organisée ?

— À Cambridge, aux quartiers généraux du général Washington.

— Quand ?

— Vers le milieu du mois d’août.

— Quel était votre but ?

— Eh bien ! lorsque la guerre contre la Grande-Bretagne devint inévitable, nous avons dû nous préparer aux mesures extrêmes. Les batailles de Lexington, de Concord et de Breed’s Hill nous jetèrent sur la défensive ; mais nous ne pouvions nous contenter de cela. Il nous fallait prendre l’offensive. Le Congrès résolut alors d’attaquer les Anglais au Canada.

— Les Anglais ? s’écria le sieur Sarpy.

— Oui, les Anglais, dit Zulma se tournant vers son père avec une animation soudaine dans le regard et dans le geste. Les Anglais, non pas les Français.

— Précisément, Mademoiselle, reprit Cary avec un sourire et un profond salut. Les Français du Canada sont nos frères et ont autant de raisons que nous de détester le joug britannique.

« Hélas ! murmura le sieur Sarpy en levant les yeux au plafond et en frappant de sa main ouverte le bras de son fauteuil. »

Un regard de Zulma fit passer rapidement le narrateur sur cette partie de son récit. Il continua en disant, en termes généraux, que le Congrès ayant décidé d’envahir le Canada par les grands lacs, avait jugé expédient d’envoyer une seconde expédition par le sud, le long de la rivière Kennebec.