Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
les bastonnais

sionné par les charmes de sa personne et la beauté de son caractère et à l’admiration qu’il exprima, Pauline répondit par ces demi-confidences et ces réticences encore plus éloquentes qui sont le délicieux secret des femmes aimantes. Zulma fut si peu déconcertée par cette bonne entente réciproque, qu’elle la favorisa ouvertement, incapable de dissimuler le plaisir de voir des liens de l’amitié s’établir entre ses deux meilleurs amis.

Malgré toute sa perspicacité, elle se réjouissait de voir qu’à la veille de leur séparation et de la reprise des hostilités, le jeune officier de l’armée continentale avait fait la connaissance d’une personne qui pourrait lui être utile, si la tempête de la guerre le jetait blessé et ensanglanté dans les murs de la ville assiégée. Divin instinct de la femme ! Comme il vaut souvent mieux que l’impétueuse audace de l’homme, dans le cours des événements de cette vie !

La gaîté reprit bientôt ses droits au milieu de cette jeunesse, et on se remit à faire de la tire. Cary fut servi de morceaux de choix jusqu’à ce que la satiété le forçât à crier merci. Alors, prenant un long rouleau de tire, Zulma en fit une tresse élégante et compliquée. Cette longue tresse brilla comme un beau serpent d’airain, Quand elle l’exposa à la lumière en la plaçant à côté de ses cheveux d’or.

« Ce sont les tresses de sainte Catherine ! s’écria-t-elle. Qui les portera, vous ou moi, Pauline ? »

Cette saillie fut accueillie par un bruyant éclat de rire de toute la compagnie, excepté Cary qui n’en avait pas compris le sens. Quand on lui eut expliqué que celle qui était destinée à rester vieille fille porterait les tresses mystiques, il sourit et murmura en aparté :

« J’y verrai. »

XIX
par nobile.

La soirée était finie. Minuit venait de sonner et Cary Singleton était arrivé au moment du départ. Toute la famille l’accompagna jusqu’à la porte d’entrée où l’attendait son traîneau.

Les derniers mots d’adieu étaient encore sur les lèvres des deux jeunes filles qui se tenaient dans l’embrasure de la porte, quand, à travers les ténèbres et la neige tombant à flocons, Zulma remarqua