Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
les bastonnais

ne crois pas que j’en fisse autant pour tout autre jeune homme dans Québec.

Naturellement, il n’en fallait pas davantage pour mettre Hardinge dans les plus heureuses dispositions et quand il s’éloigna en voiture avec Pauline, il était tout hors de lui.

Le bal était ouvert quand ils arrivèrent au château.

Le gouverneur, qui avait conduit la première danse ou danse d’honneur, prit part à une troisième et à une quatrième, se mêlant librement aux invités, apparemment disposé à se faire, à lui-même et à la cause qu’il représentait, autant d’amis que possible.

Pendant cet intervalle, Pauline et Roderick pénétrèrent dans la salle sans être beaucoup remarqués, mais bientôt ils furent appelés à prendre part à la danse et aussitôt ils devinrent l’objet de l’attention générale. Il n’y avait pas lieu de s’en étonner. Le jeune Écossais paraissait très bien dans son éclatante tunique écarlate, tandis que Pauline, dans sa robe de satin cramoisi et la coiffure ornée simplement de branches de jasmin blanc de neige, révélait une beauté épanouie, ardente, qui surprit même ses amies les plus intimes.

Après quelque temps, le gouverneur prit son siège sur l’estrade, à l’extrémité de la salle, devant le trône et sous les franges violettes du dais. Les armes royales brillaient derrière lui, tandis que sur les panneaux des murailles, à droite et à gauche s’étalait son propre écusson. Ceux des invités qui n’avaient pas encore été présentés à Son Excellence saisirent cette occasion de lui offrir leurs hommages. Roderick et Pauline étaient de ce nombre. En s’approchant du trône, ils furent accostés par M. de Cramahé, le lieutenant-gouverneur. Ce courtois personnage s’inclina profondément devant les deux jeunes gens et dit :

— Lieutenant, j’ai un devoir à remplir et vous voudrez bien me permettre de le faire. Je désire présenter mademoiselle et vous-même à Son Excellence.

Et sans attendre une réponse, il les fit avancer en la présence du vice-roi.

Carleton reçut Pauline avec la plus grande déférence et mit le comble à ses attentions en s’informant avec bonté de la santé de son père. Pauline trembla comme une feuille à cette phase de son entrevue et leva timidement les yeux pour s’assurer que le gouverneur était sincère dans sa sollicitude à l’égard de M. Belmont ; mais ses manières ouvertes dissipèrent tout doute et ainsi s’évanouit, au grand soulagement de la jeune fille, le seul obstacle à sa parfaite jouissance de la soirée.