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les bastonnais

retombant sur la tempe gauche et retenue par une agrafe de forme circulaire, d’un métal jaune brillant.

Le cavalier fit trotter tranquillement son cheval autour des spectateurs, en décrivant une ellipse allongée, jusqu’à ce que la neige fût suffisamment battue pour l’accomplissement de son dessein. Il se mit alors à exécuter une variété d’exercices extraordinaires que ses compagnons paraissaient lui demander l’un après l’autre.

Parmi ces exercices, les suivants sont dignes d’être mentionnés : il lança son cheval au grand galop, puis, tout à coup, vidant les étriers et lâchant la bride, il bondit en l’air et se jeta à pieds joints tantôt à droite, tantôt à gauche de la selle, faisant face à la croupe, sans se retenir à rien. Il arrêta son cheval soudainement et lui fit prendre, sur ses pattes de derrière, une position presque perpendiculaire ; puis, sans l’aide de la bride, des étriers ou du pommeau, il prit sa position et fit exécuter au cheval un saut énorme en avant comme s’il devait franchir une haute claie, tandis qu’il ne bougeait pas plus de son siège que s’il y avait été cloué. Lançant de nouveau l’animal à son plus rapide galop, il prit son pistolet, le lança en l’air, le rattrapa au vol et finalement le jeta de toutes ses forces devant lui. Alors, glissant un pied hors de l’étrier, il se baissa vers le sol, saisit son arme au passage, reprit sa position et remit le pistolet en place, avant d’avoir fini le tour de la piste.

Les amis de l’écuyer n’étaient pas plus attentifs à ces étonnants exercices que ne l’étaient les deux spectateurs, du penchant de la citadelle.

— Merveilleuse équitation ! s’écria Hardinge avec enthousiasme. Ce doit être un cheval arabe ou quelque autre pur-sang. À qui peut-il bien appartenir ? Il n’y a pas un tel cheval dans ces environs, car je l’aurais su ; et pourtant, il n’est guère possible qu’il soit venu avec l’expédition d’Arnold.

— Et l’écuyer ? murmura Pauline en s’avançant de plusieurs pas, tant son attention était vivement excitée.

— Oui, l’écuyer ! continua Roderick. Voyez ! il vit dans le cheval et le cheval vit en lui. Leur existence paraît se confondre.

C’est un homme superbe !

— Impossible !… dit Pauline, abritant ses yeux de la main pour rendre sa vue plus intense. Ce ne peut être.

— Quoi ? demanda Roderick.

— J’ai cru, peut-être…

— Mais, c’est lui, Pauline.

— Vous plaisantez !

— C’est lui-même.