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les bastonnais

rigueurs de la saison et des difficultés manifestes de la tâche gigantesque qui se dressait devant l’armée américaine. Elle savait que les yeux de ses concitoyens étaient fixés sur elle. Le Congrès, à Philadelphie, s’était arrêté dans son œuvre de législation pour écouter les nouvelles du Canada. Washington était presque oublié, dans l’anxiété où l’on était à l’égard de Montgomery. La Nouvelle-Angleterre attendait des merveilles du courage d’Arnold. Au loin, dans le Maryland et la Virginie, les mères, les femmes et les jeunes filles, sur les plantations, n’avaient de pensées que pour le messager qui galopait le long des sentiers, apportant des lettres du Nord, où ceux qu’elles aimaient servaient sous le valeureux Morgan. On sentait alors, généralement, comme on le comprend bien aujourd’hui, à la lumière de l’histoire, que du sort de Québec, dépendait en grande partie, celui de la révolution continentale. Si cette forteresse tombait en leur pouvoir, les Américains seraient débarrassés de tout ennemi au nord. Les Canadiens-français et les Indiens, amis de la France, seraient encouragés à embrasser la cause de l’indépendance, tandis que l’effet moral en Europe, où l’immortel succès de Wolfe était encore frais à la mémoire, hâterait sans doute le bienfait de l’intervention.

Montgomery, qui était incontestablement un homme supérieur, n’était étranger à aucune de ces considérations ; aussi, en opérant son mouvement de la Pointe-aux-Trembles sur la ville assiégée, avait-il emporté avec lui tout le poids de cette énorme responsabilité. Jusqu’à quel point fut-il à la hauteur de sa tâche ? ces humbles pages le diront brièvement pour la centième fois, et l’écrivain est heureux d’avoir l’occasion de le dire.

Montgomery établit son quartier-général à la maison Holland, et Arnold occupa la maison Langlois, près du pont Scott. Autour de ces deux points évolua la fortune de l’armée continentale durant ce mémorable mois de décembre, qui précéda l’attaque de Québec.

C’est à ce dernier endroit, que dans la matinée qui suivit son arrivée, Morgan qui avait, comme nous l’avons dit, précédé de cinq jours, le gros de l’armée et pris possession des principales routes conduisant à la ville assiégée, reçut d’Arnold l’ordre de s’établir dans le faubourg Saint-Roch, près du palais de l’Intendant.

Cet édifice historique était peut-être, à cette époque, le plus magnifique monument de la province. Sa construction qui remontait à 1684 avait été ordonnée par le roi de France sous l’administration de l’intendant de Meulles. Il avait été incendié en 1712, pendant qu’il était occupé par l’intendant Begon ; mais, sur des ordres venus de Versailles, il avait été reconstruit. Durant les onze dernières années