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les bastonnais

de la distinguer à cause de la neige qui la couvrait du même manteau blanc que tous les objets environnants et du silence qu’elle partageait avec la solitude au milieu de laquelle elle se trouvait. Un léger filet de fumée blanche s’élevait de la cheminée. Aucun son n’éveillait les échos d’alentour, sauf le sourd murmure de la chute. Zulma sauta légèrement hors du traîneau, courut à la cabane et frappa à la porte ; pas de réponse. Elle frappa un peu plus fort ; aucune réponse encore. Elle appliqua l’oreille à la petite ouverture du loquet ; aucun bruit de respiration ne se faisait entendre. Sous l’empire d’une légère émotion causée non par la crainte, mais par le mystérieux de l’aventure, elle ôta son gant et frappa vigoureusement. La porte s’ouvrit toute grande et sans bruit. Sur le seuil apparut une fillette vêtue de laine blanche. Pendant quelques instants, Zulma ne fit pas un mouvement. Elle ne pouvait bouger. La singularité de cette figure d’enfant, sa sauvage beauté, le feu étrange de ses yeux grands ouverts, arrêtaient ses pas et jusqu’au battement de son cœur. Près de l’enfant se tenait un gros chat noir, la queue raide, les poils hérissés, l’œil vert brillant ; non pas précisément hostile, mais surveillant attentivement et attendant.

«  Blanche, dit à la fin Zulma, d’une voix dont la douce musique ressemblait à l’appel d’une mère, bon jour, Blanche, tu ne me connais pas ? Mon nom est Zulma Sarpy. »

Tout d’abord aucune crainte ne s’était manifestée dans les traits, de l’enfant. Maintenant tout doute, toute hésitation en disparut. Elle ne sourit pas, mais une belle sérénité se répandit sur sa figure. Elle joignit ses deux petites mains, et au lieu de s’approcher, elle recula d’un pas ou deux, comme pour faire place à sa visiteuse. Zulma entra et ferma la porte.

«  Je suis venue te voir Blanche. Ton grand père m’a parlé de toi et je veux faire quelque chose pour toi. »

L’enfant répondit avec beaucoup d’intelligence. Elle dit comment son grand père lui avait parlé de mademoiselle Sarpy, lui avait dit combien elle avait été bonne envers lui et lui avait promis d’être l’amie de l’enfant. Zulma et Blanche étant parfaitement à l’aise, désormais, notre ancienne connaissance Velours témoigna la satisfaction que lui procurait cette tournure des affaires, en courbant sa longue échine et en allant se frotter au bord du manteau de Zulma. Blanche offrit un siège à sa visiteuse, l’aida à se débarrasser de ses fourrures et toutes deux furent bientôt engagées dans une vive conversation. Zulma jeta les yeux autour de la chambre et se leva pour examiner les nombreux articles de son singulier ameublement.