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les bastonnais

en arrière, vers le pied du lit. Un calme sourire se joua sur ses lèvres, son regard s’illumina d’un éclair d’intelligence et retirant sa longue main émaciée de dessous le drap, il la tendit à son vieil ami.

— Batoche ! murmura-t-il.

Celui-ci prit la main de l’officier avec respect et la pressa sur ses lèvres.

— Vous me reconnaissez, capitaine ?

— Parfaitement.

— Je désirais bien ardemment vous revoir.

— Et moi de même.

— Mais il m’a été impossible de venir plus tôt.

— Je le sais, et il vous a fallu faire usage de cet uniforme.

En disant cela, il montrait le déguisement de Batoche en riant tout bas. Il ajouta aussitôt :

— Et mes amis, comment vont-ils ? Mademoiselle Zulma et Monsieur Sarpy ?

— Ils s’affligent de votre infortune et prient pour votre guérison. Le plus grand regret de Mademoiselle est de ne pouvoir être à côté de vous.

Une expression de bonheur se répandit sur les traits du patient, et il dit :

— Sait-elle entre quelles bonnes mains je suis ?

— Elle le sait et c’est sa seule consolation.

Ce fut le tour de Pauline de trahir son émotion, en détournant la tête et en essuyant ses larmes.

— Voici continua Batoche, quelques lignes de sa plume, écrites il y a quelques heures seulement.

Cary empressé, étendit la main pour saisir le papier, en se soulevant de son mieux sur l’oreiller. Il allait demander qu’on voulût bien lui lire la missive, lorsque Batoche intervint avec cette autorité calme qui lui était familière.

— Pas ce soir, capitaine. Gardez-la pour votre première joie, en vous éveillant, demain matin.

Le malade se soumit en souriant et la remit à Pauline, en disant :

— Nous la lirons ensemble, au déjeuner.

Après une pause durant laquelle Cary parut rassembler ses pensées ; avec calme, toutefois, et sans efforts, il dit à Batoche :

— Vous retournez cette nuit ?

— Oui, sans tarder ; il se fait tard.

— Vous verrez mademoiselle Sarpy et son père ; vous les remercierez de leur sollicitude à mon égard. Dites-leur que ma pensée