Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
235
les bastonnais

IX
flux et reflux.

Les inquiétudes de Zulma n’étaient pas moindres que celles de Pauline. Elles devenaient de jour en jour plus poignantes, et l’impatience la tourmentait tant, qu’elle était sur le point d’en devenir malade. Elle savait que la maladie de Cary, de sa nature, devait être longue et que la convalescence durerait nécessairement plusieurs semaines. Elle ne pouvait recevoir de ses nouvelles que de loin en loin et jamais avec l’abondance de détails que son affection lui faisait désirer. Pour se distraire un peu, elle eut recours à beaucoup d’expédients, mais l’insuccès de chacun de ces efforts ne fit que rendre son désappointement plus amer. Sa plus grande tentative fut d’obtenir d’entrer dans la ville pour aider Pauline à soigner l’invalide. Elle appréciait très bien toute la délicatesse de cette démarche ; mais après avoir obtenu le consentement cordial de son père, elle la fit avec toute l’énergie de son tempérament. Elle s’adressa, pour obtenir la permission nécessaire, à son frère Eugène qui, ayant fait son devoir comme soldat, était censé avoir droit à quelque considération de la part des autorités. Eugène n’obtint qu’un refus péremptoire. Zulma recourut alors aux bons offices de Roderick Hardinge, qui entra dans ses vues avec le plus grand empressement. « Elle ferait une charmante prisonnière, » se dit-il gaiement.

Mais Hardinge échoua et il en fut de même de Bouchette que son ami M. Belmont avait intéressé à cette affaire. Tout cela causa dans ce petit cercle d’amis une certaine agitation qui rompit heureusement la monotonie du siège pour le moment. Cary Singleton en fut fort amusé et profondément touché. Mais quand on acquit enfin la certitude que le Gouverneur, habituellement si bienveillant, était, chose étrange, inexorable dans le cas actuel,