Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
les bastonnais

XVI
la grande retraite.

Quelques jours se passèrent, et l’on fut bientôt au mois de mai. Cary Singleton avait bien prévu les graves événements qui allaient arriver. Une crise se produisit dans le siège de Québec. Depuis que la neige avait disparu, les Américains avaient montré quelque activité.

La canonnade sur la ville était devenue plus fréquente et, sur divers points, les assiégeants feignirent de vouloir escalader les remparts, avec des cordes et des échelles. Une goëlette armée nommée Le Gaspé qu’ils avaient capturée pendant l’automne fut préparée de manière à servir de brûlot. Elle devait descendre le courant à la dérive et détruire la flottille amarrée dans le Cul-de-sac, à l’extrémité est de la basse ville. On prépara aussi d’autres vaisseaux dans le même but. À neuf heures, le soir du 3 mai, eut lieu la tentative. L’un des brûlots parti de Lévis s’avança vers Québec sans être molesté, la garnison le prenant pour un vaisseau ami. Les Américains croyaient déjà avoir réussi, lorsque le vaisseau fut hélé de la côte. N’ayant pas répondu, la grande batterie placée sur le cap ouvrit le feu sur lui. Se voyant découvert, l’équipage mit aussitôt le feu au combustible et laissa aller le bateau à la dérive, dans la direction du Cul-de-Sac. Un instant de plus le brûlot atteignait l’endroit désiré et les bateaux, avec la plus grande partie de la basse ville devenaient la proie des flammes. Mais la marée ayant commencé à descendre depuis une heure, le courant le refoula, malgré le vent du nord-est qui lui était favorable. Cet insuccès fut un terrible désappointement pour les Américains. C’était leur dernière ressource contre Québec. Si cette tentative eût réussi, l’armée devait attaquer la ville pendant la confusion que la conflagration produirait nécessairement et l’assaut aurait été terrible, car leurs échecs continuels les avaient réduits au désespoir et, du reste, ils savaient que c’était là leur dernière chance de réussite, avant l’arrivée de la flotte anglaise attendue de jour en jour.