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les bastonnais

nouvelles forces, les forcèrent à continuer leur fuite. Ils furent contraints d’abandonner successivement toutes les places dont ils s’étaient emparés : Montréal, Chambly, Saint-Jean, l’Île aux Noix et ils ne se crurent en sûreté qu’après avoir atteint la tête du lac Champlain. Là, ils s’arrêtèrent et se rallièrent, formant une puissante armée sous les ordres de Gates, et un an plus tard, ils tirèrent de ce même Burgoyne, successeur de Carleton, une terrible vengeance en faisant toute son armée prisonnière à Saratoga. Cette victoire fut en réalité leur premier pas vers l’indépendance des Colonies. Arnold se battit en héros dans ce combat et il y montra des qualités qui auraient assuré son succès à Québec, si le sort ne lui eût pas été contraire.

XVII
consummatum est.

La fuite des Continentaux causa la plus profonde émotion non-seulement à Québec, mais dans tous les environs. Ils avaient occupé le sol si longtemps, que leur départ soudain créa un grand vide. Ceux qui leur étaient opposés éclatèrent en acclamations, tandis que le grand nombre de ceux qui sympathisaient avec eux étaient plongés dans la plus grande consternation.

Les mauvaises nouvelles voyagent vite. Longtemps avant le coucher du soleil de ce même jour, l’événement fut connu à Valcartier. La nouvelle tomba comme la foudre sur le petit cottage occupé par M. Belmont. Il eût été inutile à Zulma d’essayer de maîtriser ses sentiments. Elle se précipita dans le jardin où elle s’abandonna à sa douleur. Elle n’avait pas prévu cette catastrophe et n’avait jamais cru qu’une telle issue de la campagne fût possible. Et maintenant, il était parti, entraîné dans une fuite précipitée, sans une ligne d’avis, sans un mot d’adieu. Après ce qui était arrivé les jours précédents, une seule entrevue finale lui aurait aidé puissamment à mettre le sceau à sa résignation et à la réconcilier avec son sort. Cette consolation même lui était refusée.

Inutile de dire que le chagrin de M. Belmont fut aussi profond. Nous connaissons les nombreuses raisons personnelles et politiques, concernant ses concitoyens, sa fille et lui-même, qui lui faisaient désirer le succès de la cause américaine. Ce fut en vain qu’il essaya de cacher son émotion, en présence de Pauline. Elle comprit immédiatement que quelque événement extraordinaire venait d’arriver. L’attitude de Cary, à sa dernière visite, avait été assez étrange