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les bastonnais

La cérémonie fut brève. Là, en présence de ces quelques spectateurs, à cette heure solennelle, les mains furent jointes, la bénédiction fut prononcée et Cary et Pauline furent unis en mariage. Le prêtre ouvrit ensuite le registre de la paroisse et les mariés ainsi que les témoins y apposèrent leur signature. Zulma écrivit la sienne d’une écriture large et ferme ; mais une larme qu’elle ne put retenir tomba sur le nom en faisant tache.

— Reposez-vous maintenant, mon enfant, dit le prêtre, en prenant congé.

Pauline, épuisée par la fatigue et l’émotion, retomba aussitôt dans le sommeil, mais toute trace de douleur avait disparu et sa respiration régulière montra qu’elle jouissait d’un repos normal. Alors Batoche, s’approchant de Cary lui montra silencieusement l’horloge.

— Hélas ! oui, dit celui-ci en se tournant vers M. Belmont et Zulma ; il est maintenant minuit et le dernier acte de ce drame doit se jouer. Notre camp est à trente milles d’ici et la nuit est terrible. Je suis venu ici accomplir un devoir, il me faut maintenant retourner là-bas en accomplir un autre. Il est heureux qu’elle dorme. Vous lui direz tout à son réveil.

Il continua en paroles brûlantes, recommandant Pauline à Zulma et à M. Belmont. Il leur répéta que seule, sa loyauté envers sa patrie pouvait l’engager à partir. Si son armée avait été victorieuse, il aurait pu quitter le service militaire et rester auprès de Pauline et au milieu de ses amis. Mais aujourd’hui qu’elle était en déroute, il ne pouvait abandonner son drapeau et il savait que Pauline le mépriserait s’il n’agissait ainsi. Dès le lendemain, les Américains devaient continuer leur fuite. Dans quelques jours, ils seraient hors du Canada.

Quand il eut fini de parler, il jeta les bras autour du cou de Zulma, en la remerciant de son dévouement, lui assurant qu’il ne l’oublierait jamais et qu’il serait toujours à son service.

— Je vous confie Pauline, lui dit-il. Je ne pourrais la remettre à aucune autre personne avec autant de confiance. Elle m’a sauvé la vie. Unissons-nous tous deux pour sauver la sienne. Elle m’a promis que désormais elle essaierait de vivre. Avec votre aide, je suis sûr qu’elle y parviendra. C’est ma seule consolation en ce moment, avec l’assurance que vous serez toujours son amie et la mienne.

Batoche adressa aussi quelques mots à Zulma. Il lui prédit que le Ciel récompenserait son abnégation, la pria de le rappeler au souvenir de ses amis, et, dans les termes les plus touchants, la supplia de prendre soin de la petite Blanche à laquelle il envoya,