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les bastonnais

en versant une larme, une dernière bénédiction. Il dit ensuite à M. Belmont que Blanche connaissait le secret de la cassette et le lui révélerait. Alors eut lieu la séparation finale. Cary et Batoche quittèrent la maison ensemble. Le lendemain matin, le jeune officier avait rejoint ses compagnons et continuait avec eux la retraite. Quant au vieux soldat, il gisait sur l’herbe humide, au pied des chutes de Montmorency, — mort ! Son cœur de lion avait été brisé. Batoche n’avait pu survivre à la ruine de ses espérances.

XVIII
quintette final.

Huit ans s’étaient écoulés. On était dans l’été de 1784. La grande guerre de la Révolution était terminée et la paix avait été signée. Cary Singleton ayant déposé les armes, entreprit de voyager pour se reposer et se remettre de ses fatigues. Sa première visite fut au Canada ; en compagnie de sa femme et de M. Belmont, qui désirait retourner à Québec pour y passer ses vieux jours. Ayant accompagné Pauline au Maryland aussitôt après son rétablissement, — qui avait été très lent, — il avait mené là-bas une tranquille existence ; mais il commençait désormais à sentir le poids de la vieillesse et comme il n’avait plus la moindre inquiétude sur la sécurité de Cary, la nostalgie s’était emparée de lui. Il n’est pas besoin de dire que le voyage fut des plus agréables. On visita tous les lieux habités ou parcourus autrefois ; on revit toutes les anciennes connaissances que la mort avait épargnées ; mais la plus grande attraction pour Cary et Pauline était Zulma et Roderick. Qu’étaient-ils devenus ? Celui-ci était resté à l’armée pendant un an après la délivrance de Québec. Portant partout au fond du cœur son désappointement et son chagrin, il prit part à l’expédition de Burgoyne et partagea le sort de ce général, à Saratoga ; mais comme Morgan assistait à cette bataille, où il causa la mort du brave général anglais Fraser, et que Cary était avec lui, Roderick reçut de ce dernier le même traitement qu’il lui avait procuré après le combat du Sault-au-Matelot. Tandis que tous les soldats de Burgoyne étaient retenus prisonniers dans l’intérieur du pays, Hardinge obtint sa libération par l’influence de Singleton auprès de Morgan ; il retourna dans sa patrie et renonça pour toujours à la carrière militaire. Il se retira d’abord à la campagne, dans son domaine ; mais la solitude lui devint pénible et il alla fixer sa résidence dans la vieille capitale. L’une des premières personnes qu’il y rencontra fut Zulma, à peine de retour de Paris, où elle avait passé une couple d’années. C’était