Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
les bastonnais

pays sont religieusement conservées, et c’est la seule partie de ce continent, où l’on puisse encore en être témoin.

L’Américain qui en a lu les descriptions, mais qui ne les a jamais vues en Europe, peut les trouver fidèlement reproduites au Canada.

Mais au printemps, les Canadiens ont un passe-temps qui leur est particulier et qui leur est fourni par leur propre climat. C’est la saison de la récolte du sucre d’érable.

À l’époque où se passaient les événements de notre histoire, la culture de l’érable était beaucoup plus répandue qu’aujourd’hui ; mais à présent, elle est encore assez bien conservée pour permettre au voyageur d’en étudier tout le pittoresque et le charme. Au Vermont, dans le New Hampshire, au Michigan et au Wisconsin, on fait du sucre d’érable, mais d’une façon si terre à terre, si mercantile qu’on n’y trouve aucune poésie rurale.

Les érables sont plantés dans un espace d’un demi arpent. On entaille chaque arbre à une hauteur d’environ un pied ou un pied et demi du sol. On attache aux lèvres de la blessure ainsi faite un morceau de bardeau à un angle de quarante-cinq degrés et l’eau d’érable, ou la sève, découle le long de cette planchette dans une auge placée au pied de chaque arbre. Les braves nourricières distillent ainsi leur lait, tandis que les blancs rayons du soleil viennent illuminer leurs troncs d’argent et que les doux vents de mars se jouent dans leurs branches encore dépouillées de feuilles. L’homme a l’œil fixé sur chacun des arbres, et à mesure que les urnes se remplissent, il les vide dans un grand tonneau en attendant qu’il fasse bouillir la sève. Dans le centre d’un espace ouvert, est un immense chaudron suspendu à une traverse, au-dessus d’un feu