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les bastonnais

d’arbres, et connu sous le nom d’Anse de Wolfe, serait un endroit favorable pour le débarquement de l’armée d’invasion. En conséquence, après trois jours consacrés à faire reposer ses troupes et à ravitailler ses magasins de provisions avec les produits des fermes voisines, Arnold entreprit de passer le Saint-Laurent, dans la nuit du 13 novembre. Il opéra à la faveur de l’obscurité et d’un orage, et de dix heures du soir à quatre heures du matin, à l’aide de trente canots d’écorce et de quelques radeaux, il se livra à cette dangereuse entreprise.

Les fragiles embarcations allaient et revenaient, pour repartir de nouveau, en silence, sur le large lit du fleuve, portant un équipage d’hommes armés taciturnes qui tenaient littéralement à la pointe de leurs mousquets le sort du Canada.

À la pointe du jour, toute l’armée continentale, à l’exception de 160 hommes qu’on laissa à Lévis, était en sécurité dans la retraite de l’Anse de Wolfe et Arnold avait gagné un autre enjeu à la loterie de la guerre.

V
sur les remparts.

Le même matin, de très bonne heure, Zulma Sarpy se rendit en voiture à Québec, accompagnée d’un seul serviteur. En approchant de la ville, elle eut une vue rapide des troupes rebelles escaladant la gorge de l’Anse de Wolfe et se formant en groupes sur la lisière du bois. Ils ne pouvaient pas encore être aperçus de la ville, quoique les autorités eussent été informées de leur débarquement une heure ou deux auparavant. Cette vue réjouit singulièrement la jeune fille. Cet appareil guerrier ne l’étonna pas et l’effraya encore moins. Elle ressentit plutôt un frisson d’enthousiasme et il lui passa dans l’esprit l’extravagant désir de prendre part, elle aussi, à cette parade guerrière. Elle arrêta son cheval un instant, pour s’assurer que ses yeux ne l’induisaient pas en erreur et quand elle fut persuadée que ces hommes là-bas étaient réellement les continentaux, elle fit claquer son fouet et se rendit rapidement à Québec, afin de jouir du malicieux plaisir d’être la première à communiquer la nouvelle à ses amis.

Elle ne fut pas désappointée dans cet espoir. Son récit ne fut pas cru d’abord, parce qu’un coup d’œil jeté sur les hauteurs de Lévis, révélait la présence de troupes en cet endroit. Mais quand