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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

vit les Versaillais dans les tranchées. Frappé de l’imminence du péril, il envoya à Delescluze une note qui s’égara.

À deux heures et demie, sous les ombrages des Tuileries, il y avait un concert monstre au bénéfice des veuves et des orphelins de la Commune. Les femmes en toilette de printemps diapraient les allées vertes. À deux cents mètres, sur la place de la Concorde, les obus versaillais jetaient leur note croassante à travers la joie bruyante des cuivres et le souffle bienfaisant de prairial.

À la fin du concert, un officier d’état-major monta sur l’estrade du chef d’orchestre : « Citoyens, M. Thiers avait promis d’entrer hier dans Paris ; M. Thiers n’est pas entré ; il n’entrera pas. Je vous convie pour dimanche prochain, ici à la même place, à notre second concert au profit des veuves et des orphelins. »

À cette heure, à deux portées de fusil, l’avant-garde des Versaillais pénétrait dans Paris.

Le signal attendu s’était enfin montré à la porte de Saint-Cloud. Un mouchard amateur, Ducatel, non embrigadé dans les conspirations, traversait ces quartiers quand il vit tout désert, les portes et les remparts. Il grimpa sur le bastion 64, agita un mouchoir blanc et cria aux soldats des tranchées : « Entrez, il n’y a personne. » Un officier de marine se montra, interrogea Ducatel, franchit les débris du pont-levis, s’assura que les bastions et les maisons voisines étaient abandonnées, rentra dans la tranchée et télégraphia la surprise aux généraux les plus proches. Les batteries de brèche cessèrent le feu ; les soldats des tranchées voisines pénétrèrent par petits pelotons dans l’enceinte. M. Thiers, Mac-Mahon et l’amiral Pothuau qui se trouvaient en ce moment au Mont-Valérien, télégraphièrent à Versailles pour mettre en branle toutes les divisions.

Dombrowski, depuis plusieurs heures absent de son quartier général de la Muette, arrive à quatre heures. Un commandant lui annonce l’entrée des Versaillais, Dombrowski laisse l’officier terminer son récit, puis, se tournant vers un des siens et avec cette tranquillité qu’il exagérait dans les circonstances critiques : « Envoyez chercher une batterie de 7 au ministère de la Marine ; prévenez tels et tels bataillons, je comman-