Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/185

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faire pardonner des travers, des singularités abruptes, des défauts excusables, mais insupportables. Son imagination était ardente, ses sentimens allaient jusqu’à la violence, — son organisation physique était faible et maladive ! Qui peut sonder les souffrances provenant de ce contraste ? Elles ont dù être poignantes, mais il n’en donna jamais le spectacle ! Il se garda religieusement son propre secret ; il déroba ses souffrances à tous les regards sous l’impénétrable sérénité d’une fière résignation.

La délicatesse de sa constitution et de son cœur, en lui imposant le féminin martyr des tortures à jamais inavouées, donnèrent à sa destinée quelques-uns des traits des destinées féminines. Exclu par sa santé de l’arène haletante des activités ordinaires, sans goût pour ce bourdonnement inutile où quelques abeilles se joignent à tant de frelons en y dépensant la surabondance de leurs forces, il se créa une alvéole à l’écart des chemins trop frayés et trop fréquentés. Ni aventures, ni complications, ni épisodes, n’ont marqué dans sa vie qu’il a simplifiée, quoiqu’elle fut dans des conditions qui semblaient rendre ce résultat peu aisé à obtenir. Ses sentimens et ses impressions en formèrent les événemens, plus marquans et plus importans pour lui que les changemens et les accidens du dehors. Les leçons qu’il donna constamment, avec régularité et assiduité, furent comme sa tâche domestique et journalière, accomplie avec conscience et satisfaction. Il