Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/88

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sombres prophéties sur leurs têtes lourdes et vides ; ni les fleurs vénéneuses d’une future poésie sortir de terre sous leurs pas, accrocher à leurs falbalas leurs épines immortelles, s’enrouler comme des aspics autour de leurs corsages, monter jusqu’à leur cœur pour y plonger leurs dards et retomber, surprises et béantes, n’y trouvant aussi que le vide !

Pour elles toutes, le polonais n’est pas un gentilhomme, tant loui s races sont diverses et leur langage différent. Il est un vaincu, c’est-à-dire moins qu’un esclave ; il est en défaveur, c’est-a-dire au dessous de la bête honorée d une attention souveraine. Mais pour les vainqueurs, les polonaises sont des femmes. Et quelles femmes ! En est-il dont le cœur n’ait jamais été carbonisé par le regard de l’une d’elles, noir comme la nuit ou bleu comme le ciel d’Italie, pour qui il se serait damné… oui… cent fois damné… mais non perdu aux yeux du czar !… Car devant la faveur, la bassesse de l’homme et la bassesse de la femme russes sont aussi équivalentes que la livre de plomb et la livre de plume, ce qu’un proverbe constate à sa manière en disant : mon : i géna, mina saiana « Mari et femme ne font qu’un diable » ! Seulement, la livre de plomb ne bouge pas plus qu’un boulet au fond d’un sac de toile imperméable, la livre de plume remue, voltige, se lève, retombe, se relève et s’aplatit sans cesse, comme un nid de noirs papillons dans un sac de gaze transparente. Cependant, dans les poitrines couvertes du plastron