Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/144

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homme et femme, les tint si subgiez de celle temptacion et en celluy fol plaisir, qu’ilz avoient plus leurs yeulx et leurs plaisances à resgarder l’un l’autre et à faire petiz signes d’amours qu’ilz n’avoient au divin service, ne que à dire devotement leurs heures.

Si advint, par appert miracle, que il prist si grant mal à la dame soudainement, que celle se estraingnoist et ne sçavoit se elle estoit morte ou vive. Si en fust emportée entre bras en la ville comme chose morte, et fut trois nuiz et trois jours sans boire et sans mengier, et n’y congnoissoit l’en ou mort ou vye. Sy fut envoyé querre son seigneur et ses amis, qui furent moult doulans de ceste aventure, et la regardoient et si ne sçavoient se elle en mourroit ou vivroit, dont il advint que la dame, qui en grant doulour estoit, vit une advision moult merveilleuse ; car il luy sembloyt qu’elle veoit sa mère et son père, qui mors estoyent pieçà, et la mère luy monstra ses mamelles : « Belle fille, veez cy ta nourreture ; aime et honneure ton seigneur comme tu feiz ceste mamelle, puisque l’esglise te l’a donné. » Et après son père luy disoit : « Belle fille, pourquoy as-tu plus grant plaisance ne plus grant amour à un autre que à ton seigneur ? regarde ce puis qui est de costé toy, et saichiez, se tu chiez ou feu de male chaleur, que tu chierras dedans. » Et lors elle regardoit et veoit un puis plein de feu delez luy si près que à pou qu’elle n’y cheoit. Si en estoit toute effrayée, et après son père et sa mère lui monstroient bien cent prestres trestous revestus de blanc, et le père et la mère lui disoient : « Belle fille, nous vous mercions d’avoir revestu cestes gens cy. » Et après cela il lui sembloit qu’elle