Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/83

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lui et ne la trouva pas ; si en fut yriés, et se leva de son lit en un mantel fourré de gris et entra en une garde robe, où sa femme estoit, le clavier et deux varlez ; et mangoient et rigoloient tellement que l’en n’ouyst pas Dieu tonner, tant demenoient et jouoient hommes et femmes ensemble. Et le seigneur, qui regarda tout celluy arroy, en fut durement yrés ; si tenoit un baston pour ferir un de ses varlez, qui tenoit rebrassée une des femmes de chambre, et fery sur le varlet de ce baston qui fust sec, duquel en sailli une esclice en l’ueil de sa femme, qui estoit delez luy, en telle manière qu’elle eut l’ueil crevé par celle mesaventure et par celle mescheance. Si luy messéoit trop à estre borgne, et la prist le seigneur en telle hayne qu’il se avilla et mist son cuer ailleurs, en telle manière que leur mesnage alla à perdicion de tout. Cest fait leur advint pour la mauvaise ordenance de sa femme, qui accoustumée s’estoit à vivre dissoluement et et desordonnéement le matin et le soir. Dont le plus de mal sy vint devers elle, comme en perdre son œil et l’amour de son seigneur, dont elle en fust en mauvais mesnaige. Et pour ce fait-il bon dire toutes ses heures et oyr toutes les messes à jeun, et soy acoustumer à vivre sobrement et honestement, car tout ne chiet que par accoutumance et à l’usaigier, comme le prouverbe du saige dit :

Mettez poulain en ambléure,
Il la tendra tant comme il dure.

Si comme il advint à sa sueur. Elle se acoustuma en sa jonnesse à servir Dieu et l’Église, comme dire ses heures devottement et ouyr toutes les messes