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Je traversai ce monceau de ruines et de cendres qui avait été autrefois l’opulent Phanar ; ce n’était plus qu’une grande dévastation, une longue suite de rues funèbres, encombrées de débris noirs et calcinés. C’était ce Phanar que, chaque soir, je traversais gaiement pour aller à Eyoub, où m’attendait ma chérie…

On criait dans ces rues ; des groupes d’hommes à peine vêtus, levés pour la guerre, à moitié armés, à moitié sauvages, aiguisaient leurs yatagans sur les pierres, et promenaient de vieux drapeaux verts, zébrés d’inscriptions blanches.

Je marchai longtemps. Je traversai les quartiers solitaires de l’Eski-Stamboul.

J’approchais toujours. J’étais dans la rue sombre qui monte à Mehmed-Fatih, la rue qu’elle habitait !…

Les objets extérieurs étalaient au soleil des aspects sinistres qui me serraient le cœur. Personne dans cette rue triste ; un grand silence, et rien que le bruit de mes pas…

Sur les pavés, sur l’herbe verte, apparut une tournure de vieille, rasant les murailles ; sous les plis de son manteau passaient ses jambes maigres