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LE ROMAN D’UN ENFANT

était dans toute sa petite personne encore gracieuse, que je revois le plus souvent enveloppée d’un châle de cachemire rouge et coiffée d’un bonnet de l’ancien temps à grandes coques de ruban vert.

Sa chambre, où j’aimais venir jouer parce qu’il y avait de l’espace et qu’il y faisait soleil toute l’année, était d’une simplicité de presbytère campagnard : des meubles du Directoire en noyer ciré, le grand lit drapé d’une épaisse cotonnade rouge ; des murs peints à l’ocre jaune, auxquels étaient accrochées, dans des cadres d’or terni, des aquarelles représentant des vases et des bouquets. De très bonne heure, je me rendais compte de tout ce que cette chambre avait d’humble et d’ancien dans son arrangement ; je me disais même que la bonne vieille aïeule aux chansons devait être beaucoup moins riche que mon autre grand’mère, plus jeune d’une vingtaine d’années et toujours vêtue de noir, qui m’imposait bien davantage…

À présent, je reviens à mes deux compositions au crayon, les premières assurément que j’aie jamais jetées sur le papier : ces deux canards, occupant des situations sociales si différentes.

Pour le Canard heureux j’avais représenté, dans le fond du tableau, une maisonnette et, près de