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LE MAL DES ARDENTS

résoudre à sa convenance. À un moment, il crut tout perdu : « Oui, marmonna-t-il, entre ses dents, je n’ai pas songé à cela ; le conflit entre l’acheteur et le vendeur peut tourner au procès qui donnera à mes adversaires le temps de se retourner. Il faudrait là quelque fait franc, net, coupant, qui pût interdire toute chance à un procès et faire sauter nos zigotos. Mais quoi ? » Vraiment il se sentit découragé : « l’idée était si bonne » se disait-il. Il se leva, alla à sa bibliothèque, prit le Code, feuilleta longuement, médita, le reprit, le jeta avec dépit : « Rien, pas une suggestion dans ce bouquin idiot ». Il songea à l’époque si proche et si lointaine où il commentait la Gazette des Tribunaux. « Le petit frère Maninc ne serait pas embarrassé, lui, se dit-il, avec un sourire perdu, pour trouver une solution. Voyons, comment rendre un tel procès impossible ? » Il se remémora ses cours, reprit le Code, le compulsa de nouveau longuement. « Rien. Évidemment je suis dans l’anormal, l’impossible. Il ne faudrait rien moins que d’avoir affaire à des étrangers. Et même non ! On peut toujours par la voie diplomatique. À moins que les relations diplomatiques ne soient rompues ? » Il se mit à rire : « Tiens, si on se faisait déclarer la guerre pour plaire à Bernard Rabevel ? Je deviens tout à fait stupide. Car, même en cas de guerre, il y a le séquestre et nos tribunaux ne se gêneraient pas pour trancher dans le cas d’un litige avec un étranger ». Il se souvenait du regard malin du frère Maninc pour ses élèves étrangers. « Rien à faire pour l’étranger sur le sol français »