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XLVII
DE JEAN-BAPTISTE DUMAS

amenant des scènes sanglantes. Tout cela lui inspira bientôt un violent désir de quitter Alais. Après y avoir résisté, ses parents, émus de ses angoisses, cédèrent enfin a ses vœux. Mais où aller et que faire ? On consulta de nouveau le cousin de Montpellier.

Étienne Bérard avait à Genève un compatriote, un ami, Le Royer, qui y avait fait d’abord de la pharmacie pour vivre, y avait réussi, était entré en relations avec tous les savants de la ville et s’y était définitivement fixé. Il proposa le jeune homme à Le Royer, qui l’accepta, et peu après, le 26 avril de l’année 1817, Dumas quittait sa ville natale, s’éloignait de sa chère famille et, riche d’espérance, confiant dans l’avenir comme on l’est à seize ans, mais léger d’argent, partait à pied pour Genève, le bâton à la main et le sac au dos. Souvent, plus tard, conversant avec des amis, il a rappelé les impressions pénibles que ce premier voyage avait laissées dans son esprit. Tout le long du chemin, les tristes vestiges des guerres de l’Empire. Par surcroît, des plnies continuelles avaient dévasté le pays, détruit les récoltes et amené la famine avec toutes ses horreurs.

Sur ce début de la vie de Dumas, qui lui en a fait le récit, il faut entendre Pasteur « Ce voyage, dit-il, m’apparaît et m’émeut comme la tentative courageuse, presque héroïque, d’un jeune homme pauvre attiré vers l’étude. Il me semble le voir, ce petit commis, au fond de cette boutique d’un pharmacien d’Alais, rêvant, un formulaire en main, de science lointaine, comme un écolier rêve de voyages en lisant Robinson. Tout à coup, ses pensées méditatives sont troublées par le bruit de la rue on est en 1816. La politique a tourné toutes les têtes et la religion, loin d’apaiser les âmes, les a jetées dans la violence. On se bat dans Alais. Trop jeune pour être mêlé à de telles luttes, trop indépendant pour s’y intéresser, Dumas, impatient de travail, déclare à ses parents qu’il veut quitter Alais et se rendre à Genève. Les parents effrayés essaient d’ébranler un pareil projet. L’enfant tient bon. Par un changement de rôle attendrissant, c’est le fils qui démontre à son