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ANTOINE-RENÉ DU BEL

dispensable que nous partions demain matin au point du jour.

Quoiqu’il en coûtât au comte Antoine-René du Bel de s’éloigner de son pays, il se résigna toutefois, et partit avec le messager du duc de Mayenne. Le comte était un homme de tête, de cœur et d’action. Aussi le duc de Mayenne le retint-il plusieurs années auprès de sa personne. Pendant tout le temps de son absence, le comte, par une inconcevable bizarrerie, ne donna aucune nouvelle à sa femme, en sorte que le bruit de sa mort se répandit dans le pays, et prit de plus en plus l’apparence d’une certitude. Soit qu’il eût été tué dans un combat, soit qu’il eût péri d’un autre genre de mort, il semblait devenir évident pour tout le monde que le comte Antoine-René du Bel n’existait plus. La comtesse elle-même ayant écrit au duc de Mayenne sans recevoir aucune réponse, fut persuadée que le comte était mort, et que dès lors elle était libre. Comme elle était jeune et belle, elle se vit entourée d’une foule d’adorateurs. Quelques uns des jeunes seigneurs qui, avant le mariage de la comtesse, avaient sollicité sa main, recommencèrent leurs visites et leurs assiduités. Au nombre de ces seigneurs était un gentilhomme qui passait pour le plus accompli de son temps, sous le rapport de la distinction des manières, de l’élégance du langage, de la générosité et de la bravoure. C’était le marquis Gustave-Léonidas de Gréville. On s’aperçut bientôt que la comtesse le préférait, et qu’elle ne tarderait pas à l’épouser. En effet, le 17 juin 1594, un an après l’avénement de Henri IV au trône de France, l’église de Saint-Germain-des-Vaux présentait un superbe spectacle. Le maître-autel et les murs de l’église étaient tendus d’une draperie blanche. Au milieu du chœur était réunie toute la noblesse du pays : comtes, barons, chevaliers, écuyers, varlets. Le curé de la paroisse, vêtu d’une aube parsemée de broderies d’argent et d’une chasuble de toile d’or,