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HISTOIRE DU COMTE

célébrait la messe du mariage qui devait unir pour toujours Sophie-Éléonore de Sennecey, veuve du comte Antoine-René du Bel, au jeune et beau marquis Gustave-Léonidas de Gréville. Le marquis et la comtesse étaient à genoux au pied de l’autel, l’un à côté de l’autre, sur deux tabourets garnis de velours. Le costume du marquis de Gréville était à peu près le même que celui des seigneurs de la cour de Henri IV. La comtesse avait le costume des dames du XVIe siècle. Elle portait une robe de riche étoffe à grands dessins, des souliers de cuir noir, des gants d’Espagne parfumés, et une cotte de damas blanc largement échancrée sur la poitrine. Ses cheveux, d’un noir d’ébène, cachés à la naissance, se relevaient vers le sommet de la tête, et étaient ornés d’une résille de soie et d’or. L’ensemble de sa toilette en un mot réalisait le beau idéal du bon goût et de l’harmonie des formes. À droite et à gauche du chœur brillait un écusson aux armes du marquis. Une foule de peuple animait cette fête par sa présence.

À peine la cérémonie du mariage était-elle terminée qu’on vit entrer dans l’église un chevalier armé de toutes pièces, le casque en tête, la visière baissée, la main gauche placée sur la garde de sa lance. Ses bottes pesantes et ornées d’éperons d’or retentissent sur le pavé du temple, il s’avance toujours et va se placer sur le premier degré de l’autel, du côté de l’évangile. À l’aspect de cet homme la comtesse éprouva un sentiment de terreur. Ce sentiment s’accrut bien davantage, lorsque le chevalier inconnu poussant son casque en arrière, et croisant les bras sur sa poitrine, laissa voir aux nouveaux époux et à l’assistance effrayée le visage du comte Antoine-René du Bel, premier mari de la comtesse, qui d’une voix pleine de menace et de courroux prononce ces paroles : Que faites-vous ici madame ? Et vous, marquis, continua-t-il en s’adressant au seigneur de Gréville, je vous annonce que ce jour va se changer