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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/169

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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL BOURCIER.

vai un vif chagrin… Je rentrai fort tristement au logis, me voyant dans l’obligation de me remonter et de demander pour cela de l’argent à ma mère, que je savais fort gênée. Le comte Defermont, ministre d’État et l’un de nos tuteurs, s’était opposé à la vente des propriétés qui nous restaient, parce que, prévoyant que la paix accroîtrait la valeur des terres, il pensait avec raison qu’il fallait les conserver et éteindre peu à peu les créances au moyen d’une sévère économie. C’est une des plus grandes obligations que nous eûmes à ce bon M. Defermon, l’ami le plus sincère de mon père ; aussi ai-je conservé une grande vénération pour sa mémoire.

Dès que ma demande d’un nouveau cheval fut soumise au conseil de tutelle, le général Bernadotte, qui en faisait partie, se mit à rire aux éclats, disant que le tour était excellent, le prétexte bien choisi ; enfin donnant à entendre que ma réclamation était ce qu’on a appelé depuis une carotte !… Mais, heureusement, ma demande était appuyée d’une attestation du colonel, et M. Defermont ajouta qu’il me croyait incapable d’artifice pour avoir de l’argent. Il avait raison, car, bien que je n’eusse que 600 francs de pension, que ma solde ne fût que de 95 francs par mois et mon indemnité de logement de 12 francs, jamais je ne fis un sou de dettes… Je les ai toujours eues en horreur !

J’achetai un nouveau cheval, qui ne valut pas le navarrais ; mais les inspections générales rétablies par le premier Consul approchaient, et j’étais dans l’obligation d’être monté promptement, d’autant plus que nous devions être inspectés par le célèbre général Bourcier, qui avait une très grande réputation de sévérité. Je fus commandé pour aller au-devant de lui, avec un piquet de trente hommes. Il me reçut très bien, et me parla de mon père qu’il avait beaucoup connu, ce qui ne l’empê-