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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/170

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

cha pas de me camper aux arrêts dès le lendemain. Voici à quel sujet ; l’affaire est plaisante.

Un de nos capitaines, nommé B…, fort beau garçon, aurait été un des plus beaux hommes de l’armée, si ses mollets eussent été en harmonie avec le reste de sa personne ; mais ses jambes ressemblaient à des échasses, ce qui était fort disgracieux avec le pantalon étroit, dit à la hongroise, que portaient alors les chasseurs. Pour parer à cet inconvénient, le capitaine B… s’était fait confectionner d’assez gros coussinets en forme de mollets, ce qui complétait sa belle tournure. Vous allez voir comment ces faux mollets me valurent des arrêts, mais ils n’en furent pas seuls la cause.

Les règlements prescrivaient aux officiers de laisser leurs chevaux à tous crins, comme ceux de la troupe. Notre colonel, M. Moreau, était toujours parfaitement monté ; mais tous ses chevaux avaient la queue coupée, et comme il craignait que le général Bourcier, conservateur sévère des règlements, ne lui reprochât de donner un mauvais exemple à ses officiers, il avait, pour le temps de l’inspection, fait attacher à tous ses chevaux de fausses queues si bien ajustées, qu’il fallait le savoir pour ne pas les croire naturelles. C’est à merveille. Nous allons à la manœuvre, à laquelle le général Bourcier avait convoqué le général Suchet, inspecteur d’infanterie, ainsi que le général Gudin, commandant la division territoriale, qu’accompagnait un nombreux et brillant état-major.

La séance fut très longue : presque tous les mouvements, exécutés au galop, se terminèrent par plusieurs charges des plus rapides. Je commandais un peloton du centre, faisant partie de l’escadron de M. B…, auprès duquel le colonel vint se placer. Ils se trouvaient donc à deux pas devant moi, lorsque les généraux s’avancèrent pour complimenter M. Moreau de la belle exécution des